Entretien avec Nicolas Kerszenbaum

Metteur en scène de “Une belle inconnue”

Une belle inconnue est jouée tout près de vous, dans de nombreuses communes de Valenciennes Métropole. Nicolas Kerszenbaum, auteur et metteur en scène de la compagnie “franchement, tu”, nous livre le cheminement de cette création née d’un territoire.

 

Tu aimes écrire à partir de tes propres expériences. Là, tu as recueilli des témoignages à Sevran, en Seine-Saint-Denis.

C’est une commande du Théâtre de la Poudrière pour des représentations en appartements. Les attentes n’étaient donc pas les mêmes que celles d’un public habituel, déjà captif. Une belle inconnue est le deuxième volet d’une trilogie créée à partir de figures mythologiques transposées dans le monde d’aujourd’hui. La première pièce Nouveau Héros relate un Hercule d’aujourd’hui, brutal, transformé en femme, qui subit à son tour les violences sexistes qu’il avait lui-même perpétrés. Une belle inconnue, inspirée de Jason et les Argonautes, met en parallèle deux histoires différentes de voyages et de migrations. Hafsa, mère célibataire, arrivée en France dans les années soixante-dix, pour qui tout s’est bien déroulé jusqu’à sa rupture amoureuse douloureuse. Et Yaya, un adolescent sans papiers, qui vient de débarquer. Ils se rencontrent et se rejoignent autour de leur passion pour la mythologie. Cette relation va aider Hafsa à surmonter son désespoir, à retrouver l’amour maternel qui s’était complètement dissous dans son chagrin.

 

Pourquoi avoir choisi comme références des figures mythologiques ?
Cela permet de faire une incursion du fantastique dans le drame. Comme l’image des Harpies qui grignotent les tartines d’Hafsa. Ces mythes ont traversé 2500 ans. Ces invariants dans la façon dont ces histoires se racontent génèrent forcément des échos et confèrent une portée universelle. Je tiens à préciser que la pièce n’est pas destinée aux lettrés. Tous ces récits collectifs, qu’on en ait conscience ou non, nous constituent. Pour leur compréhension, la manière dont on raconte les  histoires est aussi importante que les histoires en elles-mêmes.

 

Que t’apporte ce rapport intimiste, direct aux spectateurs ?
Le spectacle se modifie au fur-et-à mesure. Dans une grande salle, l’usage du spectacle est plus muséal. La proximité exige un travail d’orfèvre. La réception des publics prend une place immense. On est à l’écoute et, à la fois, on ne peut pas tout proposer. Cela m’oblige à me demander où j’en suis par rapport à mon discours et à mon esthétique. Dans ces configurations, je fais particulièrement attention à la qualité, à la précision du jeu, à l’incarnation de personnages. On a la chance au théâtre d’avoir la possibilité de refaire. Les interprètes sont adaptables. Peu à peu, tout ce qui est cosmétique est enlevé. La singularité, l’essence de la pièce sont de plus en plus appréciables par les publics. C’est presque plus dur que de créer pour un grand théâtre.

Propos recueillis le ven. 30 septembre 2022